Résumé
Dans
un monde anarchique où la quête de puissance est une constante, la dynamique
entre Haïti et la République Dominicaine semble s’inscrire dans une logique de
confrontation à long terme. Inspiré des théories de Hans Morgenthau, Nicolas
Machiavel, Thucydide, Carl von Clausewitz, John Mearsheimer et Raymond Aron,
cet article examine la rivalité entre ces deux États sous l’angle du réalisme
politique. L’analyse met en évidence la vulnérabilité d’Haïti face aux
ambitions stratégiques de son voisin et questionne la possibilité d’un conflit
qui redéfinirait la souveraineté sur l’île entière.
Introduction
L’histoire
des relations internationales montre que les États agissent selon la logique de
puissance et d’intérêt, sans se soucier de la morale, comme le souligne
Machiavel dans Le Prince (1532). Dans
cette perspective, la République Dominicaine, qui se renforce économiquement et
militairement, pourrait voir en l’affaiblissement structurel d’Haïti une
opportunité stratégique.
Cette
configuration rappelle la trappe de Thucydide, où une puissance émergente
(République Dominicaine) entre en tension avec une puissance en déclin (Haïti),
augmentant ainsi les risques d’un conflit inévitable (Thucydide, Ve siècle av.
J.-C.). Dans un cadre plus moderne, John Mearsheimer (The Tragedy of Great Power Politics, 2001) développe l'idée que les
États sont constamment en quête d'hégémonie régionale. Si cette logique
prévaut, la République Dominicaine pourrait être tentée d’exercer un contrôle
accru sur l’ensemble de l’île.
1. La République Dominicaine et Haïti dans
un Monde Anarchique
Raymond
Aron, dans Paix et guerre entre les
nations (1962), rappelle que l’anarchie du système international force
chaque État à assurer sa propre sécurité par ses propres moyens. Haïti, avec
ses institutions affaiblies, son économie déstabilisée et une absence d’armée
opérationnelle, n’a actuellement pas les moyens de garantir sa souveraineté
face à un voisin qui se militarise et adopte des politiques nationalistes de
plus en plus affirmées.
Selon
Robert Gilpin (War and Change in World
Politics, 1981), les conflits entre États sont souvent liés à des
déséquilibres de puissance. La croissance de la République Dominicaine face à
la stagnation haïtienne crée un écart qui pourrait être le catalyseur d’un
conflit. La construction d’un mur à la frontière dominicaine, la militarisation
et la volonté d’exclure les travailleurs haïtiens sont des indicateurs d’un
rapport de force déjà en cours.
2. Machiavel et la Réalpolitik Dominicaine
Dans
Le Prince, Machiavel explique que les
dirigeants doivent anticiper les opportunités et agir avant que leurs
adversaires ne deviennent une menace. Cette logique semble guider la politique
dominicaine, qui sécurise ses intérêts face à une Haïti affaiblie.
De
plus, Stephen Walt, dans sa théorie de l’équilibre de la menace (The Origins of Alliances, 1987),
soutient que les États cherchent à contenir leurs voisins perçus comme
instables. L’augmentation des flux migratoires haïtiens et la montée de
l’insécurité en Haïti sont ainsi utilisées par la République Dominicaine pour
justifier un durcissement de sa politique sécuritaire.
3. Scénarios Possibles : Statu Quo,
Unification ou Conflit ?
Trois
scénarios peuvent être envisagés pour l’évolution des relations entre Haïti et
la République Dominicaine :
1.
Maintien du Statu Quo
La
République Dominicaine continue d’exploiter l’instabilité haïtienne à son
avantage, renforçant sa frontière et consolidant son hégémonie économique sur
l’île. Haïti devient de facto un territoire sous influence, sans intervention
militaire directe.
2.
Unification Pacifique ou Forcée
Sous
la pression de dynamiques économiques et sécuritaires, un processus
d’intégration se met en place, volontairement ou par la force. La République
Dominicaine pourrait imposer une domination administrative progressive sur
Haïti, transformant l’île en un territoire unifié sous son contrôle.
3.
Conflit Armé
Un
effondrement total de l’État haïtien pourrait justifier une intervention
dominicaine sous couvert de « stabilisation ». Une guerre asymétrique
pourrait alors émerger, avec une éventuelle implication d’acteurs
internationaux cherchant à préserver leurs intérêts stratégiques dans la
région.
Recommandations Stratégiques pour Haïti :
Anticiper la Confrontation et Préserver la Souveraineté
L’histoire
nous enseigne que les nations qui n’anticipent pas les conflits finissent par
être absorbées par celles qui ont su renforcer leur puissance. Haïti, en raison
de sa situation de vulnérabilité actuelle face à la République Dominicaine,
doit impérativement adopter une stratégie proactive pour éviter une disparition
progressive de sa souveraineté. Si l’histoire suit son cours naturel, un jour,
l’île entière sera réunifiée sous un seul drapeau, et la question demeure : qui
en sera le maître ? Pour que cette réunification ne se fasse pas au détriment
d’Haïti, il est essentiel d’adopter une stratégie de réarmement diplomatique,
militaire et économique.
1.
Développer une Diplomatie Militaire Stratégique
Dans
un monde où la puissance est le seul garant de la souveraineté, Haïti ne peut
se contenter d’une posture défensive ou passive. Comme le souligne Carl von
Clausewitz dans De la guerre (1832),
la diplomatie et la guerre sont intrinsèquement liées : « La guerre est la
continuation de la politique par d’autres moyens ». Ainsi, Haïti doit s’engager
dans une diplomatie militaire active en formant des alliances stratégiques avec
des puissances régionales qui partagent des intérêts communs contre l’hégémonie
américaine et l’influence excessive de la République Dominicaine.
1.1.
Renforcer les liens militaires avec des alliés naturels
Haïti
doit renforcer ses relations militaires avec :
- Cuba, qui possède une longue
tradition de résistance aux ingérences étrangères et dispose d’une force
militaire disciplinée et expérimentée.
- Le Venezuela, qui, malgré ses
crises internes, reste un acteur clé en matière de soutien aux États
cherchant à échapper à l’influence américaine.
- Le Mexique, qui a récemment
adopté une posture plus autonome dans sa politique étrangère et qui
pourrait servir d’intermédiaire stratégique.
- Le Brésil, qui, en tant que
puissance émergente, possède une influence majeure sur la scène
latino-américaine et pourrait aider à moderniser les forces haïtiennes.
- D’autres nations africaines, telles que l’Algérie ou l’Afrique du Sud, qui ont une histoire de résistance face aux puissances impérialistes et qui pourraient fournir un soutien stratégique et technologique.
1.2.
Accroître les capacités militaires nationales
Haïti
doit se doter d’une armée moderne, fondée sur une doctrine défensive et
dissuasive. Inspiré du modèle israélien (David Ben Gourion) ou cubain (Fidel
Castro), Haïti doit :
- Mettre en place un service
militaire obligatoire pour former une population prête à défendre son
territoire.
- Développer une force militaire
asymétrique en s’appuyant sur des unités de guérilla, des forces spéciales
et une armée modernisée.
- Investir dans des alliances
technologiques pour développer des capacités en cyberdéfense, en
surveillance maritime et en aviation.
2.
Construire une Économie de Guerre et de Résilience
Le
réalisme politique de Hans Morgenthau (Politics
Among Nations, 1948) nous apprend que sans puissance économique, une nation
ne peut survivre dans un environnement anarchique. Haïti doit :
- Nationaliser ses ressources
stratégiques pour éviter qu’elles ne tombent sous contrôle étranger.
- Développer une industrie de
défense locale, inspirée du modèle iranien, capable de produire des armes
et des équipements de base.
- Établir un programme agricole et
énergétique souverain pour ne pas dépendre de l’extérieur en temps de
crise.
3.
Renforcer l’Identité Nationale et l’Unité Politique
Un
peuple divisé est un peuple conquis. La division interne d’Haïti, alimentée par
des luttes politiques stériles, empêche toute réaction coordonnée face aux
menaces extérieures. La République Dominicaine, au contraire, a su forger une
identité nationale forte, qui la rend plus résistante aux crises.
Il
est impératif de :
- Éduquer la population sur les
enjeux géopolitiques pour qu’elle comprenne les dangers qui menacent
Haïti.
- Créer une unité politique autour
d’un projet national : l’armée, l’économie et la diplomatie doivent être
alignées sur un seul objectif : la préservation de la souveraineté.
- Repenser la Constitution pour
renforcer les institutions et éviter l’ingérence étrangère dans les
affaires internes.
Anticiper la Réunification de l’Île
L’histoire
montre que les États faibles disparaissent ou sont absorbés. Haïti, dans son
état actuel, est sur une trajectoire qui mène à son annexion, que ce soit par
la République Dominicaine ou par une autre puissance étrangère.
Cependant,
Haïti n’est pas condamné si elle prend conscience de cette réalité et agit en
conséquence. Les guerres ne sont pas toujours déclarées par les armes, mais
aussi par la passivité et l’inaction. Haïti doit choisir entre subir son destin
ou le forger. Si un jour, l’île doit être réunifiée sous un seul drapeau, Haïti
doit tout faire pour que ce soit sous le sien.
Conclusion
Si
Haïti ne parvient pas à restaurer une souveraineté forte, elle risque de se
retrouver dans une position similaire à celle de la Palestine, tandis que la
République Dominicaine adopterait un rôle expansionniste similaire à celui
d’Israël dans son voisinage. L’histoire montre que les nations faibles
deviennent tôt ou tard des proies pour celles qui ont su renforcer leur
puissance.
Dans
cette optique, l’avenir de l’île dépendra de la capacité d’Haïti à se doter
d’institutions solides, d’une armée moderne et d’une vision stratégique capable
de répondre aux défis sécuritaires et géopolitiques qui s’annoncent. Faute de
quoi, elle pourrait disparaître en tant qu’État souverain, absorbée par les
ambitions de son voisin.
Bibliographie
ARON,
Raymond. (1962). Paix et guerre entre les
nations. Paris : Calmann-Lévy.
CLAUSEWITZ,
Carl von (1832). De la guerre. Paris
: Éditions Complexe.
GILPIN,
Robert. (1981). War and Change in World
Politics. Cambridge: Cambridge University Press.
MACHIAVEL,
Nicolas. (1532). Le Prince. Paris :
Flammarion.
MEARSHEIMER, John. (2001). The Tragedy of Great Power Politics. New York: W. W. Norton &
Company.
MORGENTHAU, Hans. (1948). Politics Among Nations: The Struggle for Power and Peace. New York : Knopf.
Thucydide
(Ve siècle av. J.-C.). La Guerre du
Péloponnèse. Paris : Les Belles Lettres.
WALT, Stephen. (1987). The Origins of Alliances. Ithaca
: Cornell University Press.
- Par Jackson AMADIS
- Étudiant en Relations Internationales
- Téléphone : +509 39440801
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