L’instabilité sociopolitique est-il un obstacle au développement d’Haïti ?

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Depuis 1804, L’instabilité politique caractérise fondamentalement la société haïtienne. Cette dernière n’a été à aucun moment de son histoire politiquement stable. Que ce soit au cours de la période l’occupation américaine (1915-1934) ou de la période des Duvalier (1957-1986). Les troubles sociopolitiques récurrentes ont eu des impacts considérables sur le développement économique d’Haïti. Le départ des Duvalier n’a pas résolu le problème. Cela n’a fait qu’empirer. La population patauge dans un marasme économique déshumanisant.

L’instabilité politique, Selon FOSU,  est définie comme « l’ensemble des situations, activités, ou des modèles de comportements politiques qui menace, ou qui ébranle réellement la stabilité du système politique ou du gouvernement ». D’après Robert J. Barro, elle peut être mesurée par le nombre « d’agitations politiques » y compris le nombre de coups militaires mais pour Alesina Alberto, elle se traduit par la propension du changement de gouvernement y compris les révisions anticonstitutionnelles incluant les coups d’Etat.

In fine, selon Eris V. Gupta, l’instabilité sociopolitique peut prendre trois formes. D’abord, l’instabilité d’élite ou de l’exécutive qui englobe, les coups d’Etats, les changements et crises de gouvernement. Ensuite, l’instabilité de masse qui correspond aux mouvements sociaux tels que les grèves, les manifestations ou les émeutes. Enfin, l’instabilité armée ou violente prenant en compte la guerre civile et les guérillas, et toute action politique violente.
Au moins l’une des trois formes d’instabilité sociopolitique présentée ci-dessus a toujours existé au cours de l’histoire de la société haïtienne. Ce phénomène a eu de graves conséquences sur l’activité économique et le niveau de vie des haïtiens.

Après le départ de Jean-Claude Duvalier, le pays s’est enlisé dans une crise politique beaucoup plus profonde. De 1986 à 1990, le pays a connu cinq (5) présidents, quatre (4) conseils électoraux provisoires, deux coups d’État militaires et deux tentatives de coup d’État. Entre-temps les regroupements sociaux et syndicaux n’ont pas chômé. Par exemple, il y avait la Centrale autonome des travailleurs haïtiens (CATH) qui alimentait le climat des rues. Ce sont les leaders du CATH qui décidaient quand le pays devrait être fermé par une grève générale ou pas. Ces mouvements ont provoqué la délocalisation des entreprises évoluant dans le domaine de la sous-traitance en République Dominicaine. Le climat n’était pas favorable pour attirer les investissements directs étrangers. Le chômage a donc augmenté et le pays n’a pas cessé de s’appauvrir.

Un an plus tard, nous allions connaître un coup d’État qui s’en suit d’un embargo commercial. Ces derniers événements ont provoqué un ralentissement considérable des activités économiques. Les taux de croissance qu’a enregistré l’économie étaient de -5.31%, -5.43% et -11.95% respectivement au cours des années 1992, 1993 et 1994. Malgré les conséquences désastreuses des turbulences sociopolitiques sur l’économie haïtienne, les acteurs politiques et de la société civile continuent de jouer les mêmes partitions et les stratégies de blocage n’ont pas changé.

La fin du 20ème siècle et le début du 21ème siècle sont entre autres caractérisés par des turbulences politiques. Les assassinats et arrestations politiques, les manifestations intempestives contre le problème de la faim, les contestations des résultats électoraux, les répressions populaires sont autant de phénomènes qui se sont produits au cours de ces périodes. Par exemple, l’assassinat de Jean Léopold Dominique le 3 avril 2000, celui de Brignol Lindor le 16 décembre 2001, celui de Jacques Roche en juillet 2005… ont tous étaient qualifiés d’assassinats politiques par les membres de l’opposition de l’époque. Les élections des années 2000, 2006, 2010 et 2015 ont provoqué de vastes contestations et de manifestations dans les rues de la capitale et des grandes villes du pays.

Si les questions politiques ont toujours intéressé les leaders de l’opposition et de la société civile, les questions économiques font rarement objet dans leurs débats. Le taux de croissance moyen de 2015 à 2018 est de 1%(calcul effectué à partir des données de la Banque Mondiale). En outre, de 1990 à 2018 l’Indice de Développement Humain D’Haïti est compris entre 0.40 et 0.5 ce qui le place parmi les pays à faible niveau de développement selon le rapport du PNUD et le plus pauvre de la région Amérique Latine et Caraïbes.

Les résultats enregistrés au niveau économique sont la conséquence en grande partie des troubles sociopolitiques. Ces dernières sont souvent liées au problème de gouvernance et du non-respect des principes démocratiques. La population n’a pas d’accès aux services publics. L’augmentation du  coût de la vie, l’augmentation du taux de chômage… rendent la population plus vulnérables et les poussent à revendiquer de meilleures conditions de vie.

Il faut préciser que l’instabilité sociopolitique produit le sous-développement et vice-versa. Il faut donc à tout prix sortir de ce dilemme. Le sacrifice est nécessaire. Il faut donc mettre de côté nos querelles pro-duvaliériste et anti-duvaliériste, GNbistes ou lavalasiens. Il faut donc, à côté de nos intérêts particuliers,  ne pas négliger l’intérêt général. Penser au développement du pays qui passe incontestablement par la stabilité. La stabilité politique, institutionnelle et sociale. Il faut donc des sacrifices à la haute de nos visions.


James Edmoncardy DESIMO,
Economiste, politologue.

 e-mail : edmoncardy007@gmail.com
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            Tél : +509 3697 2522


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