La jeunesse haïtienne fait face à une désillution politique. Beaucoup se sentent ignorés par les institutions, désertent les urnes, déçus par la lenteur des réformes et se sentent impuissants face aux crises successives. À en croire Robert Putnam dans Bowling Alone (2000), le désengagement civique peut être le résultat d’une perception que la participation ne produit pas d’effet tangible, conduisant ainsi les individus à se retirer volontairement de la vie publique. Pourtant, loin d’être un simple spectateur, le jeune haïtien peut devenir le moteur de la reconstruction démocratique du pays. Il est temps de transformer le désengagement en action concrète (Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1835).
Le désengagement inquiétant des jeunes haïtiens
Une grande partie de la jeunesse haïtienne se tient à l’écart de la vie politique. Beaucoup ne suivent pas les débats publics, ne participent pas aux consultations locales et semblent se désintéresser aux décisions qui façonnent leur quotidien. Certains jeunes se concentrent sur des projets personnels, laissant les institutions et la gouvernance à ceux qui continuent de les ignorer. Ce retrait n’est pas simplement inquiétant pour la démocratie, il prive le pays de forces vives capables d’innover et de proposer des solutions. Comme le souligne Michaël Foucault-Larivière dans ses travaux sur la jeunesse et la citoyenneté, « le désengagement politique des jeunes n’est pas un refus de la démocratie, mais une demande d’espaces de participation réels et significatifs » (La jeunesse et la démocratie, 2015). Ce désengagement traduit en réalité une volonté des jeunes de participer, mais uniquement dans des espaces où leur voix est réellement entendue et prise en compte.
Comprendre le retrait des jeunes
Plusieurs facteurs expliquent ce retrait , comme le note Luc Boltanski (La condition fœtale, 2001), l’expérience répétée de l’échec institutionnel peut générer une défiance durable et un retrait des jeunes face à la sphère publique. Les crises politiques, économiques et sociales répétées ont façonné une jeunesse sceptique, les promesses non tenues, l’instabilité institutionnelles et la corruption recurrente renforcent le sentiment que s’investir ne mêne à aucun changement concret. De plus, le manque d’espace de dialogue adaptés limite la capacité des jeunes à s’exprimer et à influencer les décisions les initiatives sont souvent marginalisés et peu de structures permettent un engagement réel et effectif. La focalisation des jeunes sur leurs projets personnels entrainent souvent l’absence de ces jeunes dans les sphères citoyennes et s’éloignent des initiatives communautaires et de la vie publique, ce qui limite leur contribution à la prise de décision et au leadership collectif.
Comment réengager durablement la jeunesse haïtienne
Pour que la jeunesse haïtienne devienne un acteur central de la démocratie, il est essentiel de mettre en place des mesures concrètes et adaptées à ses besoins et attentes. Comme l’affirme Henri Peña-Ruiz (La République, l’école et la jeunesse, 2006), offrir aux jeunes des espaces de participation réelle et valoriser leurs initiatives est une condition clé pour transformer le désengagement en engagement actif. Il faut créer des espaces de dialogue où les jeunes peuvent exprimer leurs idées et participer activement aux decisions publiques. Ces espaces peuvent prendre la forme de conseils jeunesses municipaux, de forums locaux ou de plateformes numériques qui permettant aux jeunes de proposer des solutions, de débattre et de contribuer à la vie communautaire. Il est important de valoriser les engagements des jeunes ; les initiatives citoyennes doivent être soutenues que ce soit à travers des encouragements officiels ou un appui pour des projets élaborés, ce qui renforce le sentiment d’utilité et la motivation à s’engager davantage dans la société.
La jeunesse, moteur de la démocratie
La jeunesse haïtienne possède les compétences, l’énergie et la créativité nécessaires pour participer activement à la reconstruction démocratique. Elle peut proposer des solutions concrètes, mobiliser ses pairs et influencer les décisions de manière positive. Il est essentiel que la société et les institutions reconnaissent le rôle central des jeunes et leur offrent les moyens d’agir. Soutenir leurs initiatives, créer des espaces d’expression et valoriser leur participation permettra de transformer le désengagement en engagement constructif. En donnant aux jeunes les moyens de contribuer réellement, Haïti pourra construire une démocratie plus solide, inclusive et capable de répondre aux besoins de tous ses citoyens. Comme Martha C. Nussbaum le précise dans son ouvrage: (Not for Profit: Why Democracy Needs the Humanities, 2010), la participation active et éduquée des jeunes est indispensable pour construire une société démocratique durable. La jeunesse n’est pas seulement l’avenir : elle est le présent indispensable à toute transformation durable.
(Institut National d’Administration, de Gestion et des Hautes Études Internationales)


