De la diversité exclusive et racialisée : le "Au revoir" de l’ESFAM/AUF est un signe pour le système capitalisme

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Dans une note officielle publiée sur la page de l’ESFAM/AUF en date du 31 juillet 2025, l’annonce de la fermeture de cette grande institution d’enseignement supérieur, notamment dans le domaine du management, a suscité une vive émotion. Immédiatement, des souvenirs historiques ressurgissent.


Il convient de souligner que la disparition de l’ESFAM n’est ni précoce, ni prématurée, ni soudaine. Il s’agit d’une fin planifiée, organisée dans son essence même, par le mode de gestion adopté et par la manière dont "l'autre" a été considéré tout au long des cinq dernières années. Cette disparition est un phénomène complexe qui nécessite une analyse détaillée.


Fondée sur une utopie de la diversité, l’ESFAM de l’AUF s’est progressivement transformée en un espace d’illusions, de fragmentation sociale, de désarticulation sociale et de ségrégation raciale manifeste.


Sa fin est le fruit d’une incohérence profonde entre un discours de diversité et les pratiques des responsables hiérarchiques, qui ont toujours joué un double jeu : une politique d'inclusion pour leurs semblables (les Blancs), et une attitude de discrimination primitive à l’égard des autres – principalement les étudiants haïtiens et africains noirs, pourtant largement majoritaires.


Cette fermeture est également la conséquence d’un éclatement des contradictions internes et de l’incapacité à résoudre des antécédents historiques dans la construction d’un espace réellement inclusif. Malgré la qualité de l’enseignement assuré par les universités partenaires, les coulisses de l’ESFAM sont toujours restées préoccupantes.


La disparition de l’ESFAM s’inscrit aussi dans une logique d’individualisme exacerbé, conforme au modèle capitaliste fondé sur l’accumulation de plus-value relative et absolue. Cette logique a renforcé les divisions visibles entre Noirs et Blancs au sein d’une même promotion, allant jusqu’à distinguer deux catégories d’Africains : les Africains noirs et les Africains blancs.


Elle est aussi le produit d’un racisme structurel ancré dans l’histoire coloniale, recyclé dans un système éducatif supposé former les élites de demain, mais qui a plutôt servi à diviser les forces vives d’une même communauté.


Le déclin de l’ESFAM était prévisible, notamment depuis que la majorité des étudiants africains et haïtiens s’est vue imposer des frais de scolarité de 4 000 euros par an, tandis que les étudiants blancs, notamment européens, bénéficiaient systématiquement de bourses couvrant l’intégralité des frais.


Cette mort est également le reflet d’une gouvernance duale et contradictoire : un modèle basé sur le nombre pour les Noirs, et un modèle d’inclusion qualitative pour les autres.


On observe aussi une incohérence dans la communication institutionnelle. Que signifie « promotion » pour l’ESFAM ? Tous les étudiants ? Ou uniquement les Blancs ? Il suffit de consulter les photos de promotions de 2020 à 2025 pour constater cette diversité exclusive : une minorité blanche y est surreprésentée. Avant même l’arrivée des promotions, les responsables publiaient souvent une photo de cette minorité pour illustrer la cohorte à venir. Les témoignages des étudiants confirment ce modèle biaisé.


Cette fermeture résulte enfin d’un repositionnement stratégique : une recomposition des rapports de pouvoir internes entre anciens et nouveaux acteurs, et une logique conservatrice, repliée sur elle-même, accentuée par l’intégration complète de la Bulgarie dans l’espace Schengen depuis le 1er janvier 2025.


En définitive, la mort de l’ESFAM est le reflet d’un racisme structurel, d’un héritage colonial non assumé, d’un rejet profond de l’autre, et d’une série de contradictions que le système ne parvient plus à contenir. Après trente années d'existence, l’éclatement de ces tensions internes a rendu sa survie impossible.


Le « au revoir » de l’ESFAM n’est rien d’autre qu’un au revoir attendu. On ne construit pas une institution durable en méprisant l’autre sous de fausses prétentions d’universalité. L’humanité est une convergence d’actions et non une diversité exclusive.


Au revoir, ESFAM, pour vos bienfaits… et vos méfaits.


James Fleurilus, doctorant

MMP 2020-2021

31 juillet 2025

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